Une crise de marque suivait traditionnellement une trajectoire prévisible : une étincelle initiale, une couverture médiatique, une réponse, puis un déclin progressif. Cependant, à l’ère de l’IA, cette approche est obsolète, comme le montre la récente controverse autour de Campbell’s Soup. Après qu'une remarque présumée d’un dirigeant est devenue virale, la réaction a été rapide et mesurable. Au-delà des médias classiques, les plateformes d’IA et les moteurs de recherche ont rapidement amplifié le récit, élargissant sa portée et son impact. Cet incident met en lumière une nouvelle réalité en gestion de crise : l’IA sert souvent de source principale d’information, ce qui entraîne une propagation plus rapide des histoires négatives, leur persistance accrue, et parfois leur légitimation comme « vérité » par des publics clés tels que les employés, les actionnaires et les clients. Il soulève une question essentielle pour les marques : comment répondre lorsque ce sont les algorithmes qui façonnent les narratifs plus vite que vous ne pouvez intervenir ? En novembre, une plainte a accusé un dirigeant de Campbell’s de dénigrer les produits de la marque, en les qualifiant de « nourriture hautement [transformée] » pour les « pauvres », d’utiliser de la « viande bio-ingénierie », et d’avoir fait des remarques dénigrantes envers les employés. Suite à cela, l’analyse de Terakeet a révélé une hausse de 70 % du sentiment négatif dans la presse, avec des narratifs dommageables dominant les résultats de recherche en première page. Toute personne recherchant la marque ou les produits Campbell’s rencontrait ce récit en évidence dans les fonctionnalités Google comme le fil d’actualités, « Les gens demandent aussi » et les Aperçus IA, effaçant instantanément des années d’efforts marketing. Le principal risque de l’IA réside dans son biais en faveur du contenu négatif ; les stories sensationnelles attirent une attention disproportionnée et se renforcent rapidement sur toutes les plateformes. Cela s’est concrétisé par une propagation à travers les médias sociaux et les médias traditionnels, inondant l’algorithme de nouveaux contenus qu’il a ingérés et amplifiés. L’histoire a également suscité des recherches autour de « viande imprimée en 3D » et de questions concernant l’utilisation de viande véritable par Campbell’s. L’IA générative n’a pas corrigé les idées reçues, mais a plutôt mis en avant un contexte fragmenté tiré du site de Campbell’s mentionnant le « poulet mécaniquement séparé », ce qui a davantage embrouillé le public. Ce préjudice réputationnel dépasse les simples titres. La confiance des consommateurs a diminué face à des préoccupations sur l’intégrité des produits, et l’action Campbell’s a chuté de 7, 3 %, soit une perte de 684 millions de dollars en capitalisation boursière, selon Terakeet. Des appels au boycott ont émergé en réaction aux propos du dirigeant, montrant à quel point le comportement de la direction influence directement la fidélité des consommateurs. De plus, cet effet de ricochet menace l’attraction des talents et l’image employeur. Le licenciement de l’employé ayant enregistré les remarques et la procédure judiciaire en cours ajoutent un risque réputationnel, influant sur la perception de la culture d’entreprise, la responsabilité de la direction et la sécurité psychologique, impactant ainsi le recrutement et la rétention. En réponse, Campbell’s a publié des déclarations officielles et un communiqué de presse réaffirmant l’authenticité de ses produits.

Cela a permis de réintroduire des faits, avec des signes émergents que les systèmes d’IA font référence à ces clarifications. Cependant, cela ne suffit pas à recréer complètement le récit en ligne dominant. Une fois que la controverse envahit la presse, les réseaux sociaux et la recherche, elle s’ancre dans les données sur lesquelles l’IA se fonde, rendant difficile la correction de la perception après l’événement. Idéalement, Campbell’s aurait pu renforcer proactivement sa présence dans les résultats de recherche et son récit avant la crise en publiant du contenu autoritaire et clarificatif pour bâtir une base solide. Les marques disposant d’actifs numériques puissants créent un pare-feu protecteur contre les mauvaises interprétations en temps de crise. Des résultats de recherche en première page renforcés par du contenu crédible et contrôlé par la marque rendent les histoires négatives moins visibles et moins tenaces après l’évanouissement de l’attention médiatique. Bien que cela ne supprime pas le risque, ces stratégies réduisent la durée et le volume des controverses en ligne. Le suivi continu de la représentation de la marque sur des plateformes d’IA générative comme ChatGPT, Gemini ou Perplexity est tout aussi essentiel. Alors que les consommateurs utilisent de plus en plus ces outils pour s’informer et obtenir du contexte, assurer des résumés précis générés par l’IA devient une étape clé de la gestion de réputation. L’expérience de Campbell’s illustre une transformation plus large dans la formation de la réputation des marques. Dans un paysage où moteurs de recherche, réseaux sociaux et IA façonnent collectivement la perception publique, les marques ne peuvent plus se contenter de corriger les narratifs après coup. Le succès futur reviendra aux marques qui considèrent la visibilité et la réputation comme des actifs stratégiques, en investissant dès le départ dans la clarté du récit en ligne, la domination des résultats de recherche, et une perception favorable par l’IA. Une fois qu’une histoire prend racine, la question n’est plus de savoir si elle influencera l’IA, mais comment la marque parvient à façonner efficacement le contenu généré par l’IA de manière cohérente.