Traditionnellement, la confiance reposait sur des institutions centralisées telles que les banques, les réseaux de paiement et les chambres de compensation — des systèmes fermés où les utilisateurs s’appuyaient sur des audits externes, la régulation gouvernementale et de longues histoires de conformité pour se sentir en sécurité. Bien que efficace, ce modèle comporte des compromis tels que l’opacité, le pouvoir concentré et l’innovation limitée. Un nouveau modèle de confiance a émergé avec les blockchains et les applications décentralisées (dApps), qui ne s’appuient pas sur des institutions mais sur le code qui les sous-tend. Ce changement est fondé sur le principe de l’open source, qui est obligatoire dans la blockchain. L’open source permet à quiconque d’inspecter les protocoles, d’auditer les contrats intelligents et de vérifier le comportement du système ; sans cela, les utilisateurs ne peuvent pas réellement savoir avec quoi ils interagissent. À première vue, open source et vie privée semblent contradictoires : si le code est public, comment maintenir la confidentialité ?À mesure que l’adoption de la blockchain progresse, l’équilibre entre transparence et vie privée devient un défi clé et souvent mal compris. L’open source construit la confiance sans intermédiaires et soutient la décentralisation. Les bases de code publiques sont constamment examinées par des développeurs et des chercheurs en sécurité, ce qui conduit à des systèmes robustes et sécurisés comme OpenSSL, Linux et Bitcoin, dont la sécurité s’améliore avec le temps. Cette approche trouve ses racines dans le cryptographe du XIXe siècle, Auguste Kerckhoffs, qui affirmait qu’un système sécurisé reste sécurisé si sa conception est publique mais sa clé secrète demeure privée—le principe de Kerckhoffs, fondement de la cryptographie moderne. L’open source met cela en pratique en rendant le code public pour une vérification indépendante, ce qui se distingue de la transparence des données. Les protocoles peuvent être open source tout en protégeant la confidentialité des utilisateurs, ce qui est la direction actuelle de la technologie blockchain. Au départ, les blockchains privilégiaient la transparence avec des transactions visibles publiquement — une compromise nécessaire avant l’émergence des technologies de préservation de la vie privée, tout comme le trafic HTTP non chiffré de l’Internet au début jusqu’à l’apparition de TLS en 2006.

Aujourd’hui, enregistrer publiquement des informations sensibles telles que les salaires ou les finances personnelles est inacceptable, le défi étant de restaurer la vie privée sans renoncer à la possibilité d’audit. Les technologies de préservation de la vie privée (PETs) répondent à cette problématique. Bien que certaines PETs, comme les environnements d’exécution sécurisés (TEE), ne soient pas open source, toutes les PETs reposant sur la cryptographie utilisées dans la blockchain sont open source. Par exemple, les preuves à divulgation zéro (ZKPs) permettent de prouver la véracité sans révéler de détails, ce qui facilite des transactions privées sur la chaîne et des vérifications d’identité. Les systèmes ZK modernes tels que PlonK, Groth16 et STARKs sont open source et examinés mondialement. Le chiffrement homomorphe intégral (FHE) permet de faire des calculs sur des données chiffrées, permettant aux contrats intelligents d’opérer sans déchiffrer les entrées ; ses bibliothèques cryptographiques, comme TFHE-rs, sont également open source. La computation multipartite sécurisée (MPC) permet à plusieurs parties de calculer ensemble un résultat sans révéler leurs entrées individuelles, et de nombreux protocoles MPC, y compris les signatures de seuil et la génération de clés distribuée (DKG), sont aussi open source—car la confiance exige la transparence des mécanismes. En fin de compte, atteindre la confidentialité sur la chaîne commence par la transparence du code. L’open source n’est pas une menace pour la vie privée ; au contraire, il est essentiel pour assurer le bon fonctionnement des systèmes confidentiels, libres de défauts cachés ou de portes dérobées, et ouvert aux améliorations communautaires. L’avenir de la blockchain et de la finance décentralisée repose sur l’équilibre entre vie privée et auditabilité en révélant ouvertement le fonctionnement des systèmes et en permettant un examen rigoureux. C’est l’objectif de l’open source et, à notre avis, la seule voie viable pour avancer.